Gestion des déchets : notre santé est-elle en jeu ?

Lire l’article publié sur le site de l’ASEF, Association Santé Environnement France

Écrit par J.Maherou Créé le lundi 4 mars 2013 11:12

Vingt-cinq millions de tonnes : c’est la quantité de déchets que les Français produisent chaque année, et qu’il faut donc traiter. Pour cela, plusieurs techniques sont utilisées, dont l’incinération et le stockage. Outre les nuisances olfactives qu’ils peuvent engendrer, ces procédés peuvent également avoir un impact sur la santé ainsi que sur l’environnement. C’est ce que vivent au quotidien les habitants de Vedène, une ville située dans le Vaucluse, à quelques kilomètres d’Avignon...
Dans cette commune sont installés un incinérateur et un ISDND (Installation de stockage de déchets non dangereux), aussi appelé CSDU (Centres de stockage des déchets ultimes). Conscient que cela puisse avoir des impacts sur la santé des riverains et sur l’environnement, le Collectif d’Association « Déchets et Environnement » (CADE), crée en juillet 2012, se bat pour que ces modes de traitement soient éloignés des populations. Dans cette démarche, le CADE a fait appel à l’ASEF, et plus particulièrement au Dr Pierre Souvet afin d’apporter un éclairage médical sur les problèmes posés par la gestion des déchets.
Avant de s’intéresser à ce qui se passe en particulier à Vedène, revenons sur le fonctionnement des incinérateurs et des CSDU ainsi que sur leurs risques potentiels sur la santé et l’environnement.

Le cas des incinérateurs

Depuis 1970, la France a recours à l’incinération pour éliminer les déchets ménagers et assimilés. Ce procédé traite environ un tiers des déchets que produisent les Français et certains promoteurs le présentent comme un processus de "valorisation énergétique". Pourtant, malgré les évolutions réglementaires et technologiques, le rejet des polluants par les incinérateurs reste un sujet d’inquiétude pour la population française riveraine de ces installations industrielles. Alors comment fonctionnent les incinérateurs ? Présentent-ils des risques pour la santé et l’environnement ? La réglementation peut-elle nous protéger ? Existe-il des alternatives ? Tour d’horizon…

L’incinération, qu’est-ce que c’est ?
L’incinération est un procédé de traitement des déchets. Il consiste à les bruler généralement mélangés - ordures ménagères mais aussi déchets industriels banals, DASRI (Déchets d’Activités de Soins à Risques Infectieux) - dans des fours spéciaux adaptés à leurs caractéristiques (composition, taux d’humidité). La combustion doit être menée dans des conditions optimales et doit être assortie d’un traitement performant des fumées.
L’incinération permet une réduction de 70 % de la masse des détrituts entrants et de 90 % du volume. Mais cette réduction n’est qu’apparente puisque l’incinération génère, par tonne de déchets brulés :
 6 000 m3 de fumées ;
 300 kgs de mâchefers, des résidus solides qui résultent de la combustion ;
 40 à 80 kgs de REFIOM, des résidus d’épuration des fumées d’incinération des ordures ménagères ;
 des effluents liquides (traitements des fumées, trempe des mâchefers, etc.).
La combustion produisant de l’énergie, celle-ci peut tout de même être récupérée et valorisée. La valorisation de l’énergie produite peut se faire sous forme de chaleur, d’électricité ou d’une combinaison de ces deux formes (la cogénération). Le rendement énergétique moyen des incinérateurs est de 30,4% pour la production de chaleur et de 11,4% pour la production d’électricité.

L’incinération en France
Avec 130 usines d’incinération réparties sur son territoire, la France possède le parc d’usines d’incinération d’ordures ménagères (UIOM) le plus important d’Europe. Leur nombre a été divisé environ par trois depuis 1998 et cette réduction s’est accompagnée de la mise en conformité d’installations existantes, de la fermeture d’un grand nombre d’installations anciennes et de la construction d’installations neuves. La France incinère chaque année environ 30% du tonnage des déchets ménagers collectés, un chiffre stable depuis le début des années 2000.

Quelles sont les substances émises par les incinérateurs ?

En France, les incinérateurs rejettent 67 milliards de m3de fumées dans l’atmosphère chaque année. Un incinérateur peut donc être comparé à une énorme cigarette d’où s’échappent certaines substances Cancérigènes, Mutagènes, Reprotoxiques (CMR), malgré des traitements de fumées performants. Ces substances sont issues de la combustion des déchets brulés et de leur réaction les unes avec les autres.
Les plus connues sont les dioxines dont le terme désigne en fait deux grandes catégories de composés : les polychlorodibenzodioxines (PCDD) et les polychlorodibenzofuranes (PCDF). En 2005, une étude[1] a révélé que l’incinération des ordures ménagères reste la première source d’émissions de dioxines en Ile-de-France malgré une forte diminution depuis 1990.
Mais les dioxines ne sont que l’arbre qui cache la forêt… Les incinérateurs émettent également des poussières (particules carbonées ou autres), des composés organiques volatils (COV), du chlorure (HCl), du fluorure d’hydrogène (FH), de la vapeur d’eau, du gaz carbonique et autres gaz-à-effet de serre (GES), de nombreux métaux lourds (cadmium, plomb, mercure), des polychlorobiphényles (PCB), etc.

Que dit la réglementation ?
En France, les usines d’incinérations sont des Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE) actuellement réglementées par l’arrêté ministériel du 20 septembre 2002. Ce texte prévoit notamment des mesures strictes pour traiter les fumées des usines d’incinération. Les gaz issus de la combustion de déchets doivent être portés à 850°C pendant deux secondes pour détruire les polluants organiques et font également l’objet d’une filtration et d’un traitement. Des valeurs limites d’émissions des gaz dans l’atmosphère sont fixées pour les principaux polluants : dioxines (teneur limitée à 0,1 ng/m3), métaux (plomb, mercure, thallium, cadmium, etc.), chlorure d’hydrogène (HCl), oxydes de soufre (SO2), oxydes d’azote (NO2), poussières, mais aussi le monoxyde de carbone (CO). La réglementation impose également un suivi de la présence éventuelle des dioxines et des métaux lourds dans l’environnement proche des installations. Ces normes applicables depuis 2005 ont permis de réduire fortement les émissions de polluants en France, dont les dioxines.
Avant 2002, en France, aucune limitation n’était imposée aux incinérateurs, dont les émissions n’étaient pas contrôlées. Seules quelques recommandations d’exploitation avaient été données dans un arrêté de 1991.
Ce changement de réglementation explique qu’entre 1995 et 2006, les émissions de dioxines par les incinérateurs d’ordures ménagères aient été divisées par un facteur supérieur à 100, alors même que la quantité de déchets incinérés a augmenté au cours de la même période !
Parallèlement, les émissions de métaux ont également fortement diminué. Les émissions de mercure ont, par exemple, été divisées par 7 depuis 1995, notamment grâce à l’amélioration du traitement des fumées des incinérateurs.

Quels sont les impacts des incinérateurs ?
Si cette réglementation a le mérite d’exister, elle n’est toujours pas suffisante… Elle ne concerne qu’une vingtaine de polluants sur plus de 2 000 molécules mesurées en sortie de cheminée. Le procédé d’incinération reste donc un producteur et un diffuseur de substances polluantes dans l’environnement, avec des effets sur la santé humaine et sur l’environnement.

Sur la santé
Comme les autres modes de traitement des déchets, l’incinération est susceptible d’avoir un impact sur la santé. Une fois rejetés les polluants atteignent les milieux naturels : l’air, l’eau et les sols. Ainsi, nous pouvons être exposés à ces substances toxiques lorsqu’on respire, mais aussi via notre alimentation (poissons, œufs, lait). La plupart étant des polluants organiques persistants, lorsqu’elles pénètrent dans l’organisme, elles y restent longtemps. L’émission de substances CMR, peuvent être à l’origine de cancers, de malformations congénitales, de retards pubertaires, de baisse de fécondité et de stérilité. C’est pourquoi, depuis plusieurs années, des études ont été menées pour évaluer les impacts sanitaires des incinérateurs.
En mars 2008, Institut national de Veille Sanitaire (InVs) a publié les résultats définitifs d’une étude[2] épidémiologique ayant pour objectif d’analyser la relation entre l’incidence des cancers chez l’adulte et l’exposition aux émissions atmosphériques des usines d’incinération d’ordures ménagères. Elle a porté sur les cancers diagnostiqués dans le Haut-Rhin, le Bas-Rhin, l’Isère et le Tarn. Ces départements regroupaient 16 usines d’incinération en activité entre 1972 et 1990. Les résultats ont fait apparaître une augmentation significative de la fréquence de certains cancerspour les personnes ayant subi une forte exposition aux fumées d’incinérateurs dans les années 1970 et 1980 par rapport à la fréquence observée parmi une population très peu exposée. On trouve jusqu’à 23% supplémentaires pour certaines formes de cancer du sang chez l’homme et 9% de plus pour les cancers du sein chez la femme.

En novembre 2006, une étude[3] d’imprégnation des populations riveraines d’usines d’incinération intitulée « Dioxines et incinérateurs » avait été rendue publique. L’objectif était de comparer l’imprégnation par les dioxines, mais aussi par le plomb et le cadmium, de personnes exposées et non exposées aux émissions d’incinération d’ordures ménagères et d’évaluer l’impact de la consommation de produits locaux sur ces imprégnations. Au total, 1 030 personnes résidant à proximité de huit usines d’incinération d’ordures ménagères ont été interrogées sur leur alimentation, ainsi que sur leur environnement et des analyses de sang ont été réalisées : dioxines, PCB, plomb et cadmium. Les concentrations moyennes de dioxines, plomb et cadmium étaient similaires chez les personnes exposées et non exposées aux émissions d’incinérateurs. Cependant, les résultats ont montré une augmentation de l’imprégnation par les dioxines et PCB chez les consommateurs de certains produits locaux tels que les produits laitiers, les œufs et les graisses animales, et ce, en particulier chez les agriculteurs.
En octobre 2012, la revue indépendante Prescrire a établi une synthèse[4] des connaissances sur les usines d’incinération des ordures ménagères. Ainsi, elle mentionne de nombreuses études ayant portée sur ce sujet dont les résultats sont plutôt inquiétants. Par exemple, une étude[5] concernant l’incinérateur de Besançon ayant fonctionné entre 1970 et 1990 a montré que le risque de lymphome non hodgkinien est environ 2 fois plus élevé chez les personnes les plus exposées aux dioxines, par rapport à celles résidant dans une zone moins exposée ! Compte tenu des temps de latence (effets retardés), les scientifiques s’attendent à une augmentation des cancers chez ces populations dans les années 2020 dues aux expositions passées (années 1970 à 2000). Des risques de malformations congénitales et de troubles de la reproduction sont également suspectés. Une étude[6] de l’INSERM menée dans la région Rhône-Alpes a montré que le risque de malformations urinaires des enfants est multiplié par 3 lorsque les mères sont exposées aux dioxines pendant leur grossesse, comparées aux mères non exposées.
Malgré les incertitudes, plusieurs données font suspecter une augmentation du risque de certains cancers chez les riverains des incinérateurs. Selon la revue Prescrire, ceci incite à la plus grande prudence et au suivi médical des populations habitant à proximité des installations. Cliquez ici pour en savoir plus !

Sur l’environnement
Les molécules émises par les incinérateurs comme les dioxines ou les PCB sont très stables chimiquement, et donc peu biodégradables. Très solubles dans les graisses, et peu dans l’eau, elles s’accumulent dans les sols, les sédiments et les tissus organiques et se retrouvent de plus en plus concentrés dans la chaîne alimentaire pour arriver finalement jusqu’à l’homme. On parle de bio-accumulation.
L’incinération peut également contribuer à l’effet de serre et ainsi jouer un rôle dans réchauffement climatique. En effet, certains déchets, et notamment les plastiques contiennent du CO2, un gaz à effet de serre. Les incinérateurs français rejettent chaque année l’équivalent en CO2 de 2,3 millions de voitures ! A cela s’ajoute le fait que les résidus del’incinération, sous la forme de mâchefers sont utilisés en tant que remblais pour la construction des routes. Ces résidus contiennent de nombreuses substances toxiques, qui, au cours du temps et au contact de l’eau, diffusent dans l’environnement, c’est le phénomène dit de lixiviation. Sur les 3 millions de tonnes de mâchefers générés chaque année en France, environ les deux tiers sont utilisés comme matériaux de construction des routes, le reste est stocké en décharge.

Existe-il des solutions alternatives ?

En France, la responsabilité du choix d’une filière de traitement de déchets ménagers incombe aux collectivités en charge de cette question. Les collectivités choisissent souvent l’incinération parce qu’elle apparait comme une solution de facilité. Pourtant, elle est la plus dangereuse, sur le plan de la santé publique, la moins rentable sur le plan économique et social et celle qui génère le moins d’emplois. Par ailleurs, elles ne sont pas forcément au courant des autres possibilités.
Pourtant, il existe plusieurs alternatives à l’incinération dont l’objectif est non seulement de respecter la santé des populations et l’environnement, mais aussi de stimuler l’innovation technologique.
La filière alternative de gestion des déchets repose sur 6 étapes : la réduction à la source, le tri sélectif, la collecte organisée, le recyclage, la réutilisation des composants, le stockage sécurisé.
Les procédés alternatifs à l’incinération, reposent pour partie sur les collectivités territoriales (colonnes de récupération, éducation au tri sélectif, mise à disposition des moyens de collecte, construction d’unités de prétraitement et de valorisation), pour partie sur la participation des citoyens (tri par apport volontaire, tri sélectif sur le lieu d’habitation et de travail), mais aussi, et de façon essentielle, sur l’Etat, dans le cadre de sa double compétence : une volonté politique générale, prenant en compte l’ensemble des problèmes et un suivi administratif respectueux des lois et règlements.

Les centres de stockage de déchets ultimes (CSDU)

Un CSDU, c’est un grand trou creusé sur plusieurs hectares, dans lequel les déchets qui ne peuvent plus être valorisés sont déversés en vrac, sans tri ni regroupement par matière. Anciennement, on appelait cela un CET (Centre d’Enfouissement Technique) ou encore une décharge. Si, contrairement aux incinérateurs, les CSDU ne rejettent rien directement dans l’environnement, ils peuvent être à l’origine de diverses nuisances : odeurs, bruit, lixiviats (plus familièrement nommés « jus de poubelles »), prolifération d’animaux, etc. Alors quels sont les impacts pour la santé et l’environnement ? Que dit la réglementation ? Zoom sur les CSDU.

Un CSDU, qu’est-ce que c’est ?
Le CSDU est composé de casiers indépendants enterrés de 10 à 15 m de profondeur et sur plusieurs hectares. Ces casiers sont eux-mêmes composés d’alvéoles, dans lesquelles sont entreposés les déchets. Au fond de la fosse, une bâche appelée géo membrane recouverte d’une couche d’argile constitue l’étanchéité et évite les infiltrations au sol. Une fois le casier rempli, il est recouvert d’une couche d’argile d’environ 1 m et bombée de 5 % pour que les eaux de pluie s’écoulent à l’extérieur de la fosse. Le tout est recouvert d’une couche de terre végétale de 20 cm pour éviter que les déchets ne s’envolent et limiter les odeurs dues à la fermentation.

La durée d’exploitation d’un CSDU est en général de 20 ans.

Que dit la réglementation ?
Les CSDU font l’objet de contrôles et de réglementations très strictes. La loi du 13 juillet 1992 prescrit que, depuis le 1er juillet 2002, le déchet ultime est le seul qui puisse être stocké en décharge. Un déchet ultime est un détritus, résultant ou non d’un traitement, qui n’est plus susceptible d’être traité dans les conditions techniques et économiques du moment, notamment par extraction de la part valorisable ou par réduction de son caractère polluant ou dangereux.
Les CSDU sont divisés en trois catégories ou classes :
• La classe I, réservée aux déchets industriels dangereux Ces installations sont soumises à la réglementation des ICPE et font l’objet d’une demande d’autorisation et d’une enquête publique. Pour chaque CSDU I, un arrêté d’exploitation doit préciser : les modalités de fonctionnement, d’exploitation, de captage et de traitement des effluents, les seuils d’admission des résidus ultimes stabilisés, les conditions de surveillance permanente du site, les modalités de réaménagement et de suivi à long terme après fermeture du centre.
• La classe II, réservée aux déchets ménagers et assimilés Ces installations sont réglementées par l’arrêté du 9 Septembre 1997 relatif aux installations de stockage de déchets ménagers et assimilés. L’arrêté interdit les déchets liquides ou dangereux, les déchets d’emballages et les pneumatiques. Il fixe les prescriptions relatives aux normes d‘émissions (lixiviats, biogaz), à l’aménagement du site et son exploitation, à la mise en place d’un programme de surveillance.
• La classe III, réservée aux déchets inertes Ces installations ne sont pas soumis au régime des ICPE, puisque les déchets inertes ne se décomposent pas, ne brûlent pas et ne produisent aucune autre réaction physique, chimique ou biologique de nature à nuire à l’environnement (briques, pavés, sables, gravats, tuiles, béton, ciment, carrelage…).
Les CSDU sont soumis à des normes environnementales renforcées pour éviter toute pollution du milieu naturel par infiltration et pour garantir une parfaite réhabilitation du site après son exploitation :
 implantation de barrières de sécurité naturelle
 couches de protection
 stockage des déchets dans des alvéoles (compartiments spéciaux dédiés à accueillir les ordures, creusés dans le sol au fur et à mesure des besoins) au sein du centre d’enfouissement technique
 récupération et traitement des lixiviats
 combustion du biogaz issu de la fermentation des détritus
 contrôles environnementaux durant l’exploitation et pendant 30 ans à l’issue de l’exploitation.

Quels sont les impacts des CSDU ?

Les nuisances
Les CSDU peuvent être à l’origine de plusieurs types de nuisances :
 Les odeurs : le déversement des fermentescibles, les alvéoles en exploitation, le bassin de collecte des lixiviats, le biogaz non capté, le brûlage volontaire ou par imprudence sont des sources d’odeurs. Il n’y a pas de caractère dangereux mais la nuisance peut-être forte pour les riverains, notamment l’été par vent faible.
 Les lixiviats ou jus de décharge : c’est le liquide résiduel qui provient de l’infiltration de l’eau à travers les déchets. Il est très riche en matières organiques, en micropolluants, en minéraux, en métaux lourds (cadmium, chrome, arsenic, manganèse) à l’état de traces et présente donc un caractère toxique. Dans les CSDU, les lixiviats sont donc récupérés grâce à la géomembrane, pompés puis traités sur place ou envoyés en station d’épuration.
 Le biogaz : c’est un gaz issu du processus de dégradation biologique des matières organiques animales ou végétales (déchets) en l’absence d’oxygène. Constitué principalement de méthane et de gaz carbonique, c’est un puissant gaz à effet de serre. Il contient également d’autres gaz nocifs pour la santé : acide fluorhydrique, chlorure d’hydrogène, acide sulfurique, etc. La collecte des biogaz se fait par un système de drainage et le traitement consiste à les brûler à l’aide de torchères avec ou sans récupération d’énergie. Il peut en effet servir à produire de la chaleur, de l’électricité ou de biocarburant.
 Le bruit : augmentation du transport routier d’où génération de nuisances pour les riverains.
 Les envols : ils sont dus pour la plupart à l’absence régulière de couverture.
 La prolifération d’animaux : rongeurs, insectes, oiseaux, attirés par la nourriture qui se trouve dans les déchets peuvent constituer une gène susceptible de propager des maladies.

Les études sur l’impact sanitaire
En 2005, l’InVS a réalisé une évaluation[7] des risques pour la santé à proximité des décharges. Les résultats ont suggéré que les riverains de certains sites pourraient souffrir des effets irritatifs de certains gaz émis (notamment le sulfure d’hydrogène) et/ou des nuisances odorantes associées au biogaz, lors de bouffées de pollution. Des progrès devraient encore être faits sur les conditions d’exploitation des sites et sur le respect d’une réglementation, aujourd’hui déjà grandement pertinente et contraignante.
Une des seules études[8] épidémiologiques menée en France concerne la décharge d’ordures ménagères au lieudit La Bistade, dans la région Nord Pas-de-Calais. Cette décharge dont l’activité a débuté en 1977 est proche de deux communes comportant plusieurs groupes d’habitations, une à 1 km sous le vent de la décharge et l’autre, au vent, à 400 mètres. Le hameau de La Bistade est situé à proximité immédiate du site. L’étude menée a montré que la présence de dérivés benzéniques, de dérivés d’hydrocarbures non benzéniques et de molécules de soufre et d’hydrogène sulfuré sont susceptibles d’être à l’origine des mauvaises odeurs, à des concentrations très faibles.
L’étude a montré des symptômes significativement plus élevés pour la population la plus proche de la décharge que celle des communes alentours : les troubles irritatifs respiratoires (toux, expectoration), les pathologies ortorhino-laryngologique, l’irritation oculaire, les nausées, les difficultés d’endormissement et l’irritabilité.

Sur l’environnement
Les principaux risques des CSDU sur l’environnement concernent les fuites de lixiviats et de biogaz. En effet, l’étanchéité de la géomembrane peut faillir et laisser s’infiltrer les lixiviats dans le sol. La fabrication, la pose et le soudage peuvent être à l’origine de défauts d’étanchéité, accentués par les tensions lors du déversement des déchets, ainsi que les conditions météorologiques (gel, sècheresse, etc.). Les lixiviats pouvant avoir des teneurs chimiques/toxiques élevées dont l’évolution est imprévisible, leur infiltration peut polluer les eaux souterraines ou les eaux de surface.
Quant au biogaz, étant principalement composé de méthane et de dioxyde de carbone, son émission dans l’atmosphère peut contribuer à l’effet de serre, et à fortiori au réchauffement climatique.
Autre impact sur l’environnement : les plusieurs dizaines d’hectares de terre sur lesquelles sont installés les CSDU sont autant de surfaces agricoles et naturelles qui n’existent plus.
Par ailleurs, le paysage est totalement détérioré, d’une part par le CSDU en lui-même, et d’autre part par les déchets qui se sont envolés et qui atterrissent dans les environs.

Que se passe-t-il à Vedène ?

Avant, la commune de Vedène, située à une dizaine de kilomètres d’Avignon dans le Vaucluse, était exclusivement rurale.

Mais durant l’année 2000, un CSDU - aujourd’hui appelé ISDND - exploité par la société SITA Sud a ouvert ses portes à 1 km de la commune, et à quelques centaines de mètres des premières habitations… Il a été installé sur un terrain militaire abandonné et sur lequel une faune rare avait trouvé refuge.
Très rapidement, de nouvelles autorisations ont été accordées par la préfecture : plateforme de déchets et déchetterie en 2003, plateforme de compostage des boues en 2004, plateformes des déchets inertes en 2007 et unité de valorisation du biogaz en 2012.

Pourtant, l’exploitant avait promis aux riverains qu’il n’y aurait pas de plateforme de compostage des boues provenant de l’épuration des lixiviats… De même, en mai 2011, on leur avait promis qu’avant tout projet d’installation d’une unité de valorisation des biogaz, une CLIS (Commission Locale d’Informations et de Surveillance) sur ce sujet aurait lieu avant la fin de l’année, mais la plateforme a été installé en mars 2012, sans CLIS...
Initialement, l’exploitation du CSDU avait été autorisé jusqu’en 2015. Mais en 2009, elle a été prolongée jusqu’en 2018 !
Ainsi, depuis l’ouverture du CDSU, les habitants de Vedène, mais aussi de Saint-Saturnin et d’Entraigues, deux villages limitrophes de Vedène, vivent dans une atmosphère d’ordures, de biogaz et d’ammoniac. Ils se plaignent d’odeurs fortement nauséabondes. Une des habitantes d’Entraigues témoigne : « Les odeurs de vomis nous obligent à nous calfeutrer avec un mouchoir sur le nez…Ne parlons pas des milliers de mouettes qui arrivent jusqu’au-dessus de notre maison. Nous en avons tenu informé l’exploitant mais il prétendait être aux normes et nous faisait croire que nous étions les seuls à nous plaindre ».
Suite aux nombreux signalements de nuisances olfactives par les riverains, Atmo PACA a mené une campagne olfactive dans les communes de Saint-Saturnin-lès-Avignon, Jonquerettes, Vedène, Le Thor et Entraigues-sur-la-Sorgue en 2011. Pour cela, les experts ont fait appel à un jury composé de 30 de nez bénévoles dans les communes autour d’Entraigues. Résultats : 1731 observations d’odeurs en 6 mois de Vedène à Châteauneuf de Gadagne ont été jugées majoritairement très gênantes ou gênantes. Parfois, les odeurs ont même été jugées plus désagréables que celles de l’étang de Berre ou de Tarascon, commune soumise à l’activité de papeterie.
De plus, le CDSU de 40 hectares est située sur une nappe phréatique, à 2 ou 3 mètres de profondeur. Si l’étanchéité de la géo membrane fait défaut, la nappe phréatique sera totalement polluée par les lixiviats… Les habitants sont donc très inquiets et certains ont même observé une pellicule blanche dans l’eau de pluie qu’ils ont récupérée. Quant à la biodiversité, elle est menacée car de nombreuses espèces rares ont disparues…
Pourtant, dès 1998, les populations, comme le bureau d’étude mandaté par l’exploitant avaient alerté les autorités : « En raison de la proximité de l’habitat et des conditions hydrogéologiques de la zone du plan à Entraigues, l’installation du CET risque d’avoir un impact environnemental et sanitaire lourd ».
A 3 km à vol d’oiseau du CSDU, 3 incinérateurs étaient déjà présents depuis 1995. En 2007, un quatrième four, le plus important, est venu s’ajouter. Le CSDU et l’incinérateur se trouvant de part et d’autres de Vedène et Saint-Saturnin, les deux communes sont prises en étau. En 2009, un arrêté du tribunal n’a pas jugé nécessaire de faire fonctionner le 4ème four pour le département du Vaucluse, mais le préfet a tout de même autorisé son exploitation pour une durée de 6 mois, et depuis, il n’a jamais cessé de fonctionné.
Le Collectif d’Association « Déchets et Environnement » se bat pour mettre fin à l’exploitation de ces deux procédés de gestion des déchets. Ils ont ainsi invité le Dr Pierre Souvet, Président de l’ASEF, à une réunion publique 7 mars 2013 à Saint Saturnin-lès-Avignon au cours de laquelle il a informé les riverains sur les risques potentiels des incinérateurs et des CSDU.


Références bibliographiques :
[1] Observatoire Régional de Santé, L’incinération des déchets en Île-de-France : Considérations environnementales et sanitaires, décembre 2005.
[2] InVS, Etude d’incidence des cancers à proximité des usines d’incinération des ordures ménagères, 27 mars 2008.
[3] InVS, Étude d’imprégnation par les dioxines des populations résidant à proximité d’usines d’incinération d’ordures ménagères, février 2009.
[4] La revue Prescrire, Incinération des déchets ménagers, octobre 2012, Tome 32, n°348.
[5] Viel JFet Floret N “Dioxines émises par l’usine d’incinération de Besançon et risques de cancers : une apporche éco-épidémiologique en France” BEH2009 ; (7-8) : 71-74.
[6] Cordier S, Lehébel A, Amar E, Anzivino-Viricel L, Hours M, Monfort C, Chevrier C, Chiron M, Robert-Gnansia E., Maternal residence near municipal waste incinerators and the risk of urinary tract birth defects. Occup Environ Med. 2010 Jul ;67(7):493-9.
[7] InVS, Stockage des déchets et santé publique : Synthèse et recommandations, mars 2005.
[8] Saint-Ouen M., Camard JP., Host S., Grémy I., Carrage S., Le traitement des déchets ménagers et assimilés en Ile-de-France : Considérations environnementales et sanitaires. Rapport ORS Ile-de-France, juillet 2007, 210 p.


Voir en ligne : http://www.asef-asso.fr/ma-planete/...