Le projet de traitement des déchets de Corse

Le cadre légal pour la gestion des déchets est le PIEDMA, Plan Interdépartemental d’Elimination des Déchets Ménagers et Assimilés de Corse, depuis décembre 2002.

C’est l’Office de l’Environnement de la Corse, établissement placé sous l’égide de la Collectivité Territoriale de Corse qui l’a élaboré, afin d’harmoniser la politique de gestion des déchets sur le territoire insulaire.

Le Syvadec, syndicat mixte pour la valorisation des déchets, constitué de communes et communautés de communes ou d’agglomérations ayant adhéré, est chargé de mettre en œuvre le PIEDMA. Il n’est pas compétent pour la collecte et le transport, qui restent à la charge des communes. Il intervient à partir des quais de transfert pour l’acheminement des déchets vers les sites de traitement.

L’étude du Cabinet Merlin, validée par le Syvadec en juillet 2006, prévoit de faire évoluer la collecte sélective de déchets recyclables de 3 % à 15 %, l’implantation d’équipements intermédiaires (déchetteries), des centres de stockage, et le transfert des déchets de toute la Corse vers un incinérateur central (Ponte Leccia/Canavaggia) dimensionné à 160 000 tonnes par an, pour une population évaluée en 2015, entre 373 000 et 383 000 habitants avec la population touristique.

Pour comparaison :
 à Clermont Ferrand un projet pour 660 000 habitants préconise un incinérateur de 170 000 tonnes par an
 la Communauté Urbaine de Bordeaux (selon un document du Syvadec) comprend 660 000 habitants et reçoit 500 000 touristes par an. Son incinérateur à Bègles traite 132 630 tonnes de déchets.

Selon les prévisions du PIEDMA, la Corse produirait 167 359 tonnes de déchets ménagers et assimilés en 2012.

Dans ces conditions, il est clair que le projet du Syvadec devrait entraîner la Corse vers l’industrie du tout incinération. C’est un non sens environnemental et économique.

Le 28 juillet 2006, une motion a été votée par l’Assemblée de Corse :

"Considérant que le problème du traitement des déchets de la Corse est aujourd’hui crucial et qu’il est indispensable d’y apporter une réponse dans les meilleurs délais,

L’Assemblée de Corse,

Demande au SYVADEC de mener une étude de tous les scenarii possibles sans aucune exclusive, sous les aspects sanitaire, technique, environnemental et économique,

Demande la mise en débat en son sein de toutes les solutions alternatives,

Demande que les élus et la population soient régulièrement informés, éventuellement dans le cadre d’organisation d’Assises."

 [1]
L’étude produite par le Syvadec est dépassée : risques pour la santé prouvés par les dernières études scientifiques, non prise en compte de l’augmentation du coût du pétrole et des matières premières qui sont à jamais détruites, réchauffement climatique. Elle ne respecte pas les préconisations du PIEDMA.

Extraits du PIEDMA :

Page 10 : Un des soucis majeurs de la circulaire du Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement en date du 28 avril 1998 est celui de la maîtrise des coûts d’élimination en vérifiant que les actions de valorisation sont économiquement réalistes et en évitant tout particulièrement le surdimensionnement des unités de traitement thermique.

Page 29 : La filière de valorisation énergétique (l’incinération) exige une attention particulière quant à son dimensionnement : en effet, ses coûts d’investissement sont élevés et les frais fixes sont importants. Une fois l’usine construite, il devient primordial de lui apporter une quantité de déchets la plus proche de sa capacité prévisionnelle. Il peut être alors tentant d’incinérer des déchets qui n’ont pas vocation à l’être, notamment ceux qui peuvent être recyclés. Ainsi, outre qu’il générerait des excès d’investissement, un surdimensionnement serait néfaste au développement des collectes sélectives dont le but est précisément de réduire les quantités à traiter. Le surdimensionnement d’une unité de traitement thermique peut donc conduire à l’effondrement économique de l’ensemble de la filière de traitement des déchets

Le président du Syvadec a annoncé le 31 juillet 2007 l’abandon du projet d’incinérateur.

Cependant l’incinérateur, unité de valorisation énergétique (UVE), figure toujours dans les documents de programmation financière de la Collectivité territoriale : PEI (Plan Exceptionnel d’Investissement 2007-2013), FEDER (Fonds européen) et dans ceux de l’Office de l’Environnement.

Le Préfet et les services de l’Etat sont chargés de faire appliquer ce plan. Ils ne peuvent instruire que les projets qui sont en conformité avec le PIEDMA et avec le PEI.

L’Assemblée de Corse est seule compétente pour réviser le PIEDMA.

Aucune nouvelle étude n’a été produite. L’annonce de l’abandon de l’incinérateur depuis plus d’un an n’a été suivie d’aucun acte. La question du traitement, pourtant essentielle, est passée sous silence, pendant que le Syvadec va chercher l’adhésion des collectivités.

En l’état actuel, le PIEDMA reste la loi, préconisant la centralisation et le traitement thermique des déchets dans une seule UVE, qui ne peut être qu’un incinérateur.

De nombreux élus sont favorables à la révision du PIEDMA. Il est indispensable que la région Corse revoie rapidement son plan pour les déchets, concernant la nature et le nombre des unités de traitement, afin de mettre en oeuvre une véritable politique économiquement viable de réduction et de recyclage des déchets ménagers et assimilés, telle que préconisée par les directives issues du Grenelle de l’Environnement et abandonne définitivement l’incinération.

L’immobilisme contribue à laisser se dégrader la situation, résultat d’un retard de plusieurs décennies. Plus que jamais il est urgent que l’Office de l’Environnement et la Collectivité Territoriale fassent évoluer ce dossier vers un réel développement durable de la Corse.

[1Rappelons que pour être rentable, une usine d’incinération doit fonctionner en régime stable, 24 h/24 pendant plus de 20 ans, générant des polluants de l’air, de l’eau et des sols ainsi que des rejets solides toxiques, (mâchefers, REFIOMS) qui représentent 35 % du tonnage brûlé. En outre, c’est le mode de traitement le plus coûteux.

Rappelons que ce procédé n’est absolument pas adapté à la Corse en raison de sa géographie montagneuse et composite (imposant le déplacement coûteux des gisements côtiers les plus importants vers le centre, qui est le moins producteur de déchets) et de sa démographie : population peu dense (30 hab/km2), rurale et urbaine et fortement variable en période touristique. Une usine d’incinération ne peut s’adapter aux variations saisonnières de production. Vu son dimensionnement, elle serait contrainte de tout brûler et/ou d’importer d’autres déchets pour assurer son fonctionnement, notamment en basse saison.