Eco-Terre
Halluin, triste record de dioxine en France
HAYDÉE SABÉRAN
Elle s’est levée, la voix en colère, trop de douleur. « En allaitant, on a voulu donner la vie ! Maintenant, on sait qu’on a pollué nos enfants à la dioxine. » « Quatre enfants ont déclaré une leucémie en une année à Neuville-en-Ferrain [Nord, ndlr]. Ma fille est décédée en trois semaines ! Une prise de sang pour trouver la dioxine, c’est 600 euros. Qu’on nous les fasse rembourser par la Sécu ! » Cancers et incinérateurs, c’était le thème de la réunion, à Linselles, près de Tourcoing. Dans la salle, élus, associations, habitants, agriculteurs.
Cancer. A Halluin, Roncq, Neuville-en-Ferrain, Linselles, un incinérateur d’ordures ménagères, fermé en 1998, pour cause de dioxine dans le lait des vaches. Ici, aucun registre de cancer, mais des médecins qui ont l’impression que les cancers augmentent. « Beaucoup de sujets jeunes, qui n’étaient pas à risque. Et plusieurs cas dans une même famille », indique Jean Lefebvre, gastro-entérologue à Tourcoing et voisin de l’usine. Après des années de bagarre associative, une étude a révélé mardi que le taux moyen de dioxine dans le sang d’une centaine d’habitants d’Halluin, âgés d’une cinquantaine d’années en moyenne, est de 43 picogrammes par gramme de matière grasse contre près de 28 en moyenne en France. Le taux grimpe à 54 chez les Halluinois qui mangent les œufs de leurs poules, et leurs poulets élevés en plein air. Il est de 300 picogrammes chez l’habitant le plus contaminé. Comparé à une dizaine d’études similaires autour d’incinérateurs, c’est le taux le plus élevé jamais trouvé en France. Les dioxines se fixent dans la graisse animale - donc dans le lait de vache et de femme -, s’accumulent et diminuent peu. La dioxine augmente de 9 % le risque de cancer du sein, de 12 % le risque de lymphome (maladie du sang) malin, entre autres.
L’usine d’incinération d’ordures ménagères à proximité, qui crachait le taux élevé de 1 gramme par an à sa fermeture, est-elle responsable ? Les auteurs de l’étude assurent que rien ne permet de le dire. Pourquoi ? Parce que l’enquête témoin faite à Orchies - une petite ville à mi-chemin entre Lille et Valenciennes où il n’y a pas d’incinérateur -, sur une vingtaine d’habitants, révèle des concentrations de près de 40 picogrammes et de 48 chez les consommateurs de produits de leurs volailles. Une étude sur un échantillon assez faible qui accréditerait l’idée que finalement, dans le Nord-Pas-de-Calais, région industrielle, il y aurait un taux élevé de dioxines un peu partout.
« Scandaleux ». Pourtant autour d’Halluin, le lait produit est interdit à la vente et il est déconseillé aux particuliers de consommer leurs volailles élevées en plein air, ainsi que leurs œufs. Michel Autès (Verts), vice-président du conseil régional chargé de la santé, estime qu’il est « scandaleux » que les moyens ne soient pas donnés pour établir un registre des cancers dans la région. « Il devait exister pour le Nord, puis il a été réduit, faute de moyens, à la communauté urbaine de Lille, puis à Lille et aux villes alentour. » Villes parmi lesquelles ne figure pour l’instant pas… Halluin.
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