Chacun produit des déchets et les confie, triés ou non, à une commune, qui a l’obligation de les ramasser.
Que deviennent-ils ?
Peu de gens le savent et beaucoup ne réagissent qu’à la réception de la facture à payer (1). La gestion de leur poubelle leur échappe. Elle est en fait très convoitée, car très rentable pour les intermédiaires et industriels qui prospèrent grâce à cette activité économique particulièrement opaque.
Collecte et traitement
La collecte des déchets ménagers est de la compétence des communautés de communes ou d’agglomération et non des mairies.
Le système actuel avec des points d’apport volontaire pour le tri a montré ses limites : il ne touche que les gens motivés et ne prend pas en compte les biodéchets. En effet il n’est pas possible de multiplier à l’infini les conteneurs pour les déchets recyclables, ni d’installer des composteurs sur les trottoirs… En conséquence 75 % des déchets non triés, enfouis dans les décharges, viennent du milieu urbain et péri-urbain, où la collecte n’est pas adaptée.
Le Syvadec (Syndicat de valorisation des déchets en Corse), auquel adhère une grande partie des collectivités, intervient dans la gestion des déchetteries, des contrats de prestataires pour le transport, le tri, le recyclage et l’enfouissement, contrats d’autant plus lucratifs qu’il s’agit de déchets bruts, car tout est facturé au poids.
Faute de tri les décharges sont arrivées à saturation en Corse, notamment en juin 2015 celle de Tallone, prévue initialement pour fonctionner jusqu’en 2020. Celles de Vico a fermé le 31 mars 2017. Prunelli di Fiumorbu et Viggianello ont pris le relais et sont proches de la fin d’exploitation. Les coûts ne cessent d’augmenter, sans amélioration du service. La Chambre régionale des Comptes a rendu un rapport (2) en novembre 2014 pointant les dysfonctionnements du Syvadec.
Les principaux acteurs du système n’ont pas intérêt à ce que cela change : tri minimum, transport maximum vers les sites d’enfouissement.
Crise des déchets en Corse : une vision à l’envers de la situation
Dans l’urgence nous regardons le problème des déchets et nous focalisons sur des solutions, uniquement à l’étape ultime. Les solutions pérennes existent et se trouvent bien plus en amont.
Depuis la crise de l’été 2015 seules quelques collectivités volontaires ont démarré la mise en place des solutions rapides et efficaces. Dans l’ensemble peu d’actions significatives pour réduire les déchets résiduels…
Le quasi « tout enfouissement » reste la pratique habituelle
Après le vote par l’Assemblée de Corse d’un Plan d’Action pour la réduction et le traitement des déchets ménagers le 27 mai 2016, un attentisme semble s’installer.
Certains comptent sur des usines « miracles », comme le Tri Mécano Biologique (TMB), qui trierait les poubelles brutes, avec une valorisation insignifiante pour la production d’un compost inutilisable. D’autres cherchent à relancer l’idée d’un incinérateur qui brûlerait tout ça en produisant de l’énergie ! La combustion de déchets « tout venant » non identifiables, car collectés en sacs noirs opaques, crée des dioxines hautement cancérigènes et des molécules dangereuses qu’il est impossible de contrôler. Hormis la pollution hélas invisible produite par les incinérateurs, l’argument tronqué de valorisation énergétique pratiquée dans les pays froids est un non sens pour l’île. Allons-nous installer du chauffage urbain collectif dans les villes de Corse ? A l’heure de l’emballement climatique, allons-nous comme à Monaco contribuer à l’effet de serre par la production de gaz carbonique (34 % des émissions de CO2 de la Principauté viennent de l’incinérateur) ?
Cela relève d’une méconnaissance du fonctionnement de telles usines non adaptées aux pointes de production saisonnière, des délais nécessaires à leur construction (5 ans minimum), des coûts exorbitants pour les collectivités contraintes à importer des déchets à brûler pendant 40 ans et des conséquences pour la santé et l’environnement.
Il est indispensable de changer de point de vue
80% du contenu de nos poubelles est recyclable et compostable. La solution se trouve donc à la maison, au bureau, dans l’entreprise : ne pas tout mélanger, SÉPARER. Le tri effectué par l’usager à la source est la méthode la plus rapide, la moins coûteuse, qui permet la création d’activités et d’emplois locaux. Pour cela il faut que l’organisation des collectes suive, qu’elle soit efficace, adaptée aux lieux de vie !
La solution consiste à permettre à l’usager de bien trier et de valoriser au maximum pour ne pas augmenter à l’infini les capacités d’enfouissement.
Si les centres d’enfouissement suscitent le rejet, c’est essentiellement à cause de la part organique humide qui fermente, avec les nuisances olfactives et une pollution incontrôlable à terme. L’urgence est donc de collecter séparément les biodéchets, surtout en milieu urbain dense et de les traiter par compostage.
La seule méthode qui pourra nous sortir de la crise, nécessite une organisation novatrice des collectes par les communautés d’agglomération et de communes -avec des ambassadeurs du tri- pour réduire rapidement et efficacement les déchets à enfouir. Cette méthode facilite le geste de tri et repose sur trois actions complémentaires et indissociables :
– séparation des biodéchets à la source, puis traitement spécifique, simple et économique par compostage
– collecte séparée en porte à porte, ou en points de regroupement, de chaque catégorie de déchets ramassés en alternance : recyclables triés, déchets résiduels, biodéchets (hors compostage individuel ou collectif),
– mise en place d’une tarification incitative (3), qui prend en compte la qualité du tri, en fonction du volume (ou du poids) des déchets résiduels confiés au service de collecte.
Le traitement des déchets issus des collectes séparées nécessite l’implantation de sites de compostage (plate formes ou usines), d’une seconde usine de tri de déchets « propres et secs » dans le Sud. Des initiatives pour la réutilisation, pour le recyclage local pourront se développer dès que des quantités suffisantes de matières premières secondaires seront récupérées (plastique pour granulés, verre concassé, ouate de cellulose issue du papier…), ce qui est impossible actuellement.
Le « Mode d’Emploi du Tri », sur une idée de l’AFC Umani, a été distribué lors du Giru 2016 du groupe I Muvrini par des bénévoles de Zeru Frazu. Cette démarche a reçu un très bon accueil du public : les estivants en général savent trier et déplorent la situation dans l’île, tout comme les habitants, qui ont pris conscience du problème et sont en demande d’informations et de solutions urgentes.
Les solutions existent et fonctionnent dans les collectivités pionnières en France, en Europe et ailleurs ! Inspirons nous du meilleur, pour éviter le pire…
(1) Actuellement la tarification des ordures ménagères peut avoir deux formes : soit une taxe calculée selon les mêmes bases que la taxe foncière sur les propriétés bâties, soit une redevance forfaitaire. Ce système ne tient pas compte de la quantité de déchets produite par les usagers. Il est complètement injuste et n’incite pas à la réduction, ni au tri. Comme on paye l’eau ou l’électricité en fonction de sa consommation, il est logique et juste de payer selon ses déchets.
(2) https://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Syndicat-Mixte-pour-la-Valorisation-des-Dechets-de-Corse-SYVADEC
(3) Le Commissariat Général au Développement Durable a publié en mars 2016 un rapport relatif à « la tarification incitative de la gestion des ordures ménagères », qui démontre une nouvelle fois la pertinence et les effets positifs sur la gestion des déchets d’une politique qui consiste à faire payer les usagers en fonction de la quantité de déchets qu’ils produisent effectivement. L’objectif de la loi de transition énergétique prévoit que « les collectivités territoriales progressent vers la généralisation d’une tarification incitative en matière de déchets, avec pour objectif que quinze millions d’habitants soient couverts par cette dernière en 2020 et vingt-cinq millions en 2025 »