Depuis jeudi 2 mai, l’usine d’incinération du Rohrschollen de Strasbourg est bloquée. Une large majorité du personnel est en grève. Ces salariés se sentent en danger sanitaire et oubliés par leur employeur, lequel n’a toujours pas réagi. Dans un campement devant l’usine, les grévistes attendent un signe.
Lundi, cinquième jour de grève pour les salariés de l’usine d’incinération Sénerval à Strasbourg, rue du Rohrschollen au Port-du-Rhin. Depuis jeudi matin, plus de 90% du personnel a débrayé, engagé dans un bras de fer avec la direction pour demander une hausse de leurs salaires et une amélioration de leurs conditions de travail, une première depuis que la construction de l’usine en 1975 ! Dans un communiqué intersyndical, les grévistes affirment être « empoisonnés » par les « poussières cancérigènes mutagènes et réprotoxiques » générées par l’usine.
Les quatre fours sont à l’arrêt complet mais jusqu’ici, la direction est restée muette. Alors, chaque matin, les ouvriers grévistes se rendent à l’usine, à la même heure que d’habitude mais pas question de travailler, ni même d’entrer dans l’usine puisque ses portes sont fermées depuis mercredi soir. Du coup, ils ont installé un campement sur le parking de l’usine. Sous les bâches et les parasols, des salariés grévistes expliquent :
« On a posé un préavis pour que l’entreprise puisse s’organiser. Ils savaient qu’on allait se mettre en grève jeudi matin alors mercredi soir à 20h, ils ont bloqué les accès à l’usine. Et les quelques personnes non grévistes qui n’avaient pas signalé qu’elles voulaient travailler n’ont pas pu pénétrer dans l’usine jeudi matin. »
Pour certains, ce blocage est perçu comme une preuve que Sénerval n’a pas confiance en ses salariés.
Une direction distante
Et réciproquement. Les grévistes se méfient de leurs dirigeants. D’après eux, depuis le rachat par Séché Environnement il y a trois ans, les promesses d’investissements (à hauteur de 41 M€) n’ont pas été tenues par le groupe délégataire du traitement des déchets de la CUS. Aujourd’hui, les grévistes affirment que leurs employeurs ne leur portent plus aucun intérêt :
« On a eu une présentation de l’équipe dirigeante il y a trois ans, et c’est tout. Depuis, chaque jour ils restent dans leurs bureaux et ne sortent pas, on ne les voit jamais. Depuis trois ans, ils ont embauché des ingénieurs qui ne connaissent même pas le site et son historique, ils ont changé du matériel sans même nous concerter ou nous former… Ils s’en foutent ! Et là, depuis jeudi, les directeurs du siège ne sont toujours pas venus nous voir, et aucune proposition n’a été faite. »
Les salariés en veulent également à la CUS, propriétaire du site. Ils accusent la collectivité d’avoir « laissé faire » ou au moins « cautionné la situation ». Pour les grévistes, depuis le rachat, leurs « patrons ne pensent que par les chiffres » pourtant, ils ne s’expliquent pas le silence de leur hiérarchie face aux pertes provoquées par leur mouvement :
« La fermeture de l’usine, c’est 150 000€ de perdus par jour pour Sénerval. Pourquoi perdre autant d’argent ? Parce que ce n’est pas la collectivité qui perd cet argent, mais bien l’entreprise. Pourquoi ne pas nous faire de propositions ? »
Depuis le début du conflit, la CUS envoie les déchets en Lorraine, sans conséquence pour les Strasbourgeois.
Grève illimitée : la détermination règne
Alors dans leur campement, les ouvriers jouent aux cartes, saucissonnent, tentent de détendre l’atmosphère… A les écouter, ils ne sont pas prêts d’arrêter leur mouvement. « La détermination est complète de notre côté, c’est eux qui ont du souci à se faire », menace l’un, suivi d’un autre : « Mais plus ils prennent leur temps et plus la cassure devient grande ».
Atef Labben, le délégué syndical CGT, commente lui aussi de la situation :
« Ils jouent le pourrissement mais ça ne fonctionnera pas ! Si on doit retourner au travail dans ces conditions, il n’y a pas d’avenir, tout simplement. »
Un collègue le reprend, ironique : "Enfin si, mais avec un joli petit cancer ! » Rires crispés dans l’assistance.
Hubert, 40 ans au Rorhschollen, une situation inédite
Hubert est à la retraite dans trois mois. Presque 40 ans qu’il travaille dans cette usine. Et pour lui, la situation n’a jamais été aussi insoutenable :
Siméon ne se voit pas continuer
Siméon est entré en tant qu’intérimaire en août. Depuis, il a signé un CDI. Pourtant, il ne se voit pas continuer dans cette entreprise si les conditions de travail ne s’améliorent pas :