Journal des Communes _22 mars 2016
Philie Marcangelo-Leos
A partir d’une méthode d’analyse plus rigoureuse, tenant compte notamment des caractéristiques sociodémographiques des collectivités, le Commissariat général au développement durable (CGDD) vient de rendre publique une nouvelle étude attestant d’effets significatifs de la tarification incitative sur la production de déchets et la collecte sélective.
C’est tout le mérite d’une récente étude réalisée par le Commissariat général au développement durable (CGDD) que de proposer une analyse des impacts de la tarification incitative d’enlèvement des ordures ménagères sur l’évolution des tonnages totaux de déchets collectés.
Cinq millions de Français sont à présent soumis à cette forme de tarification, dont le développement a connu une accélération depuis 2009, notamment grâce aux aides publiques de l’Ademe, et ce particulièrement dans les communes rurales disposant déjà du système de redevance d’enlèvement des ordures ménagères (Reom).
Une première étude avait été réalisée par le CGDD fin 2013 pour le compte du Comité pour la fiscalité écologique (CFE). Il s’agit donc de finaliser cette analyse sur le terrain des effets de la tarification incitative par rapport à l’évolution des tonnages totaux de déchets collectés conformément aux préconisations du Programme national de prévention des déchets 2014-2020.
Des objectifs précis de généralisation sont en outre désormais fixés par la loi relative à la transition énergétique, à savoir 15 millions d’habitants couverts par la tarification incitative en 2020 et 25 millions en 2025.
Méthode "d’appariement"
Une première méthode, reposant sur les analyses tirées de l’enquête "Collecte" de l’Ademe, traduit l’écart constaté entre les tonnages collectés dans les collectivités en Reom "incitative" (Reomi) et dans celles qui ne le sont pas. Toutefois, d’autres caractéristiques que le mode de tarification peuvent expliquer des différences dans les ratios de collecte. En particulier les facteurs sociodémographiques locaux (densité de population, âge, nombre de commerces, d’hôtels, de camping, de résidences secondaires, littoral ou montagne) ou le mode de collecte (porte-porte, apport volontaire, mixte).
Pour éviter d’introduire un biais dans l’estimation, à la fois sur le choix de passer en tarification incitative et sur l’évolution des tonnages collectés, il apparaît donc important de prendre en compte "les caractéristiques propres à ces collectivités, afin d’isoler l’effet du passage en Reomi des ’effets de structure’ possibles, et des évolutions tendancielles", relève le CGDD. C’est ce que permet le choix de la méthode dite "d’appariement" en s’appuyant sur la comparaison du groupe traité (collectivités passées en Reomi) et d’un groupe de contrôle (constitué des collectivités appariées, c’est-à-dire aux caractéristiques assez proches) pour une période choisie (ici entre 2009 et 2013).
Baisse significative des tonnages d’ordures
Principal constat : l’instauration d’une redevance incitative se traduit par une "une baisse, forte et rapide, des quantités d’ordures ménagères résiduelles [OMR] collectées" à hauteur de 68,5 kg par habitant (soit 28% en moins).
Ce résultat s’accompagne "dans une moindre mesure", d’une hausse des tonnages de déchets triés (14 kg par habitant pour les emballages, journaux et magazines (EMJ), soit 33 % en plus ; 11% pour le verre) et au total d’une baisse des quantités de déchets ménagers et assimilés (DMA) collectés de 10%.
Selon l’étude, l’essentiel de l’effet du passage survient "au moment de l’instauration, mais une part non négligeable de la baisse des quantités d’OMR collectées est néanmoins visible dans les années qui précèdent l’entrée en vigueur de la Reomi", notamment du fait des actions de communication qui l’accompagnent.
En revanche, le CGDD ne relève "pas de tendance baissière particulière après les premières années". Les effets sur les tonnages des autres déchets (biodéchets, apports en déchetteries) sont également "moins significatifs, en particulier du fait qu’un grand nombre de collectivités n’ont pas mis en place tous les modes de collecte".
Par ailleurs, l’augmentation des tonnages triés "ne semble pas s’accompagner, à moyen terme, d’une dégradation de la qualité de tri". Les comportements inciviques (report de déchets, refus de tri, brûlage, dépôts sauvages, etc.) sont "globalement contenus" et "ne persistent pas après les premières années suivant l’instauration".
Certaines questions restent toutefois en suspens. Il serait ainsi intéressant "de connaître les moyens de réduction des quantités totales d’ordures ménagères effectivement utilisés par les ménages et les professionnels suite à une instauration de redevance incitative", note le CGDD. De même, "la question des coûts" de mise en œuvre, non abordée ici, mériterait attention, car elle constitue à n’en pas douter une des causes de la frilosité des collectivités à l’égard de ce dispositif.