ZERU FRAZU Communiqué de Presse
La décision de la ministre Ségolène Royal de « proposer avant la fin de l’année l’introduction d’une mesure » valant dérogation à la loi Littoral permettant la construction d’une usine de tri mécano-biologique (TMB) à Tallone est le pire signal qu’elle pouvait délivrer en matière de politique de traitement des déchets en Corse.
Un signal relevant d’un petit coup de pouce politicien ? Rappelons que le Plan Déchets de la CTC, caractérisé par un manque cruel d’ambition, et la planification de la construction d’usines de TMB est aujourd’hui largement contesté par la population.
Un signal destiné aux élus de Prunelli et au maire de Tallone ? Les premiers accepteraient cette année 20 000 tonnes supplémentaires d’ordures brutes non triées à condition qu’un nouveau casier de 50 000 tonnes soit créé à Tallone. Ce dernier conditionne la continuation de l’enfouissement à la construction d’une usine de TMB dans sa commune…
La fermeture de la décharge de Tallone crée effectivement une situation critique que le SYVADEC n’a manifestement pas anticipée… Mais y répondre en laissant croire que la construction d’usines de TMB, à commencer par Tallone, est une solution fait injure à l’avenir d’un traitement efficace des déchets ménagers en Corse.
En effet la plupart des unités de TMB construites en Europe affichent des résultats désastreux. Les papiers, les plastiques et les cartons sont souillés par la matière organique, notamment les jus : il en résulte une baisse de leur taux de recyclage, aggravé par une baisse des subventions accordées par Eco-emballage qui pénalise les refus de tri. Par ailleurs le compost est de très mauvaise qualité car il contient de nombreux produits indésirables. Même s’il répond à la norme européenne, l’expérience montre qu’il n’est pas valorisable car les preneurs potentiels n’en veulent pas, ou alors dans des conditions financières défavorables pour la collectivité (compost offert et livré gratuitement in situ aux agriculteurs qui veulent bien accepter de l’épandre sur leurs champs). Quoiqu’en disent ses promoteurs, le compost normé issu de l’usine de TMB de Tallone, si elle voit le jour, sera mis en décharge… Les riverains en connaissent déjà les conséquences en termes de nuisances.
Il y a plus grave encore. Construire des usines de TMB est en contradiction totale avec la mise en œuvre des politiques de traitement des déchets qui ont fait leurs preuves en termes de maîtrise des coûts, de création d’emplois et de respect de la santé et de l’environnement. Ces dernières reposent toutes sur la priorité absolue donnée à la collecte, séparative et en porte à porte, y compris des biodéchets, accompagnée d’une facturation incitative. Or l’expérience montre que la construction d’usines de TMB entraîne l’absence de politique vertueuse en termes de collecte : ces usines n’ont plus aucune justification dans la mesure où elles sont censées (mal)traiter mécaniquement les ordures ménagères brutes non triées par les ménages. C’est pourquoi c’est un non sens total que d’investir simultanément dans une unité coûteuse de TMB et dans la mise en place d’une collecte et d’un traitement séparatif des déchets. C’est l’un OU l’autre… mais avec des résultats techniques, financiers et écologiques radicalement différents !
« Les promesses », dit-on, « n’engagent que ceux qui veulent bien les croire ». Pour ce qui nous concerne, nous osons espérer que le signal désastreux donné par la Ministre de l’Ecologie, du développement durable et de l’Energie ne restera qu’un signal estival de circonstance… En effet ce signal contredit radicalement les positions qu’elle tenait récemment à la télévision sur les usines de TMB ainsi que la politique des déchets menée par le gouvernement qui a supprimé toute aide à leur construction.
Le collectif ZERU FRAZU reste vigilant quant à l’évolution du dossier et rappelle sa détermination pour que soit mise en œuvre sans tarder une politique des déchets digne de ce nom et qui ne dilapide pas les impôts des contribuables dans des usines de TMB dont la construction est devenue le cheval de bataille des lobbies industriels mobilisés pour capter la valeur contenue dans nos poubelles.